Cuba sera surement le pays qui m’aura le plus intriguée de mon voyage. Le mélange culturel afro-latino, les effets de l’autarcie économique et culturelle sur la société, l’absurdité des prix, un pays qui s’est arrêté aux années 1960, la complexité pour réaliser des choses simples, l’extrême sympathie des Cubains, et l’arrachement apparent lorsqu’il s’agit de dire au revoir aux touristes alors qu’eux sont « condamnés » à rester.


Arriver à Cuba c’est avoir l’impression que le temps s’est arrêté à l’ère de la révolution. De vieilles Lada partout dans les rues. A la télévision, de vieilles images de Fidel, Camille et Enersto mobilisent la moitié des programmes de l’unique chaine télé. Dans les rues, des petits stands vendant de vieux bouquins sur la révolution. Des musées au budget cheap bondent les rues des grandes villes, mais portent tous sur l’unique même thématique.

La légitimité et le modèle de cette révolution, qui dans son ensemble me parait assez unique, est une vraie source de questionnement. Pour lire plus sur ce sujet, voire l’encadré en bas de page.

La deuxième chose qui marquera un voyageur à Cuba, c’est la chaleur et l’amitié des Cubains. Chaleur, musique, danse, bord de mer, rhum et cigares. Ce n’est pas pour rien si la première question posée à un étranger est des fois : « tu danses ? » ou si les taxis nous appellent avec leur : « Taxi ? Novio ?? » (Taxi ? Petit copain ?). J’ai passé une soirée formidable avec une famille de cubains rencontrée sur le bord de mer (el malécon), à apprendre avec eux à danser le Reggeaton. Des après-midi à discuter avec les adorables familles de mes casas (maisons d’accueil).

Les procédures pour sortir de Cuba sont non seulement couteuses pour un salaire moyen de 15€/mois… Elles sont aussi administrativement complexifiées ; en gros, personne ne sort. Cet aspect de la vie du Cubain se ressent fortement dans les liens avec les touristes. Pour les locaux qui se sentent « enfermés » dans leur pays, les touristes représentent la bouffée d’air frais, le contact avec l’extérieur. En général, si un Cubain enclenche une conversation avec vous, il ne vous lâchera plus. C’est ainsi que j’ai passé l’après-midi avec un cubain qui, après m’avoir présenté tous les avantages que j’aurais à le marier (acheter une maison à Cuba, faire venir mes amis... et lui enfin sortir du pays), l’homme a presque pleuré quand je suis partie prendre mon bus. De plus, cet « enfermement » dans leur propre pays leur donne une vision légèrement déconnectée de l’extérieur. C’est ainsi qu’on me demanda souvent : « Quand est-ce que tu reviens à Cuba, le mois prochain ? Quand tu reviens, tu m’appelles. »

Les prix cubains paraîtront absurdes à tout voyageur fraîchement arrivée. Avec la coexistence des deux monnaies cubaines (pesos nationaux et CUC = 25 pesos = $1), un touriste aura le choix entre manger dans un restaurant touristique pour $10, ou dans un restaurant local pour $0.80.  Acheter une canette de soda à $1.70 ou une bouteille de rhum à $2. Une glace à $2.00 ou une pizza maison à $0.20. Vous l’aurez compris : c’est l’effet de l’embargo.

 Mais l’effet de l’embargo devient plus triste lorsque l’on apprend qu’avec leur salaire moyen de $15, une paire de chaussure neuve en coute $10, et une très vieille LADA des années 1950 coute… $15 000 !! Deux options : soit votre famille vous lègue son unique voiture, soit vous pouvez oublier l’idée de conduire.

 L’arrivée du tourisme est un boom économique pour ceux qui auront la chance de toucher aux CUC. Aujourd’hui, tous les particuliers mettent à disposition une chambre de leur maison, qu’ils louent pour… $30 la nuit ! Soit deux fois leur salaire. C’est ainsi que j’ai rencontrée plusieurs locaux qui me disent : « moi j’ai quitté mon job d’ingénieur, parce que je gagne plus à louer ma chambre ». Pour les touristes, cette solution est aussi la plus économique (hôtels hors de prix) et bien sur la plus intéressante pour s’intégrer dans une famille locale.

Si vous avez la chance de visiter Cuba, vous aurez tout de même l’occasion de pester sur quelques difficultés quotidiennes. Prendre un bus pour une autre ville, faire de la monnaie sur plus de €15, retirer de l’argent au distributeur, acheter une bouteille d’eau, se connecter à internet… Sont de petits éléments qui peuvent devenir très compliqués !

 Mais définitivement, la festivité de Cuba, la chaleur et l’amitié des locaux, dans un pays plein de couleurs, m’auront vraiment plus.

 Si vous vous inquiétez de visiter rapidement Cuba « avant qu’ils ne soient trop tard », laissez-moi d’abord vous rassurer que tant que Raul sera au pouvoir, les images de la révolution ne sont pas prêtes de s’échapper. Et d’un point de vue économique, même si le tourisme gonfle les poches des Cubains à l’affût des CUC, l’inertie du pays et la pauvreté est telle qu'il me paraît impossible que le pays se remplisse de produits importés du jour au lendemain. Mais si toutefois vous avez la chance de pouvoir foncer là-bas, vous entendrez surement les Cubains vous dire :

"Es extraño este año, hay muchos turistas francés, ¡no sé por qué!” 
(C’est étrange cette année il y a plein de touristes français, je ne sais pas pourquoi!”)



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La révolution cubaine : légitime ? Admirable ? Contestable ?

 Remontons aux années 1950’. Comme presque tous les pays d’Amérique Latine à cette époque, le pays se fait prendre par un dictateur répressif et violent (Fulgencio Batista). Et comme presque tous les pays d’Amérique Latine à cette époque, le régime établis est pro-américain (mélange paradoxale de libéralisation et pauvreté, support des U.S.A). A partir de 1953 commence la révolution leadée par Fidel et le Che, qui aboutira par une victoire en 1959. Le modèle économique qui s’établi est alors le communisme, ce qui bien sûr ne plait pas aux voisins du Nord. Ces derniers tentent de remettre la main sur le pays en mettant le feu à 120 000kg de canne à sucre (1960), en mettant en place l’embargo économique (1960), en menant des actions de sabotage (1962, Kennedy, « Opération Mongoose »), en détruisant une centrale électrique et un usine d’acide (1962)… Jusqu’à la dernière action en 1969, le traitement chimique des nuages pour détruire les champs Cubains, et marque l’abandon des Etats-Unis pour détrôner Mr Castro. Après cette date, ce fut le début d’un long silence entre les deux pays, et le début du déclin économique de Cuba (qui fut d’abord soutenue par l’URSS, mais celle-ci étant « occupée » en dans les années 1960’ par le mur de Berlin, le soutien ne fut pas suffisant).

 C’est la fête. Contrairement à de nombreux pays d’Amérique Latine, Cuba a su se débarrasser de son dictateur, chasser l’influence occidentale, et s’affirmer libre et indépendante. Le modèle économique ne déplaît pas à tous les cubains, et les disparités sociales s’effacent.

 Et pourtant petit à petit, le pays s’endort dans le nuage d’une victoire culturellement fermée. C’est comme si le temps s’était arrêté : l’Histoire avant-révolution est oubliée voire effacée, et celle qui suit ne voit aucune modernisation. Les médias, livres et musées ne parlent que de la révolution durant les 56 années qui suivent. Fidel et Raul partagent les fonctions incompatibles d’icônes narcissiques et de gouverneurs. Les cubains ne peuvent plus vraiment sortir du pays : certes l’économie y joue, mais les processus administratifs sont aussi complexifiés. Même si les cubains affirment que depuis Raul, leur économie s’est améliorée, ils avouent discrètement avoir besoin de nouveauté.

 Et sur le plan économique ? Entre ouverture aux entreprises étrangères et autarcie, que vaut-il mieux choisir ? L’embargo aura certainement fait exploser les prix des produits importés : vieilles voitures à 15000€, masque de plongée d’enfants à 70€, le tout dans le cadre d’un salaire moyen de 15€… Mais si l’on parle de pauvreté, j’aime comparer Cuba à sa voisine éloignée la Bolivie. La Bolivie a, elle, conservé une politique libérale durant plusieurs dizaine d’années, ses nombreuses ressources naturelles étant exploitées par des entreprises étrangères. Or, la pauvreté y est restée très présente : pas beaucoup moins qu’à Cuba.  

S’ouvrir aux entreprises étrangères n’est donc pas pour moi la solution pour réduire la pauvreté ; nationaliser est une protection des ressources mais requiert un commerce international fructueux ainsi que la possession de technologies suffisantes, ces deux conditions n'étant pas garanties ; et l’autarcie, qui est l’extrême opposé, montre la faiblesse d’un pays seul.

 En conclusion la révolution Cubaine est un mouvement qui, pour moi, partait d’idées remarquables mais s’est malheureusement endormi dans un triste et contestable monopole politique et idéologique.